Expérimentation d'un vaccin contre le cancer du sein
Publié par La Pharmacienne le Juin 03 2010 08:54:30
Aucune des souris prédisposées à cette pathologie n'a présenté la maladie après le vaccin.


Le cancer du sein frappe une femme sur huit au cours de sa vie dans les pays riches. En cause dans l'augmentation linéaire avec le temps, les grossesses tardives, l'obésité, la sédentarité, la baisse de l'allaitement, le faible nombre d'enfants, les traitements hormonaux… Pourra-t-on un jour empêcher une telle maladie? Alors que les stratégies de prévention vaccinales visent surtout les pathologies infectieuses, des chercheurs américains viennent de mettre au point un vaccin qui s'est avéré capable d'empêcher l'apparition de ce cancer chez des souris prédisposées. Les résultats, intéressants, publiés cette semaine dans la revue Nature Medicine, ouvrent des nouvelles perspectives. Des essais chez la femme sont déjà envisagés.




Protéine alpha-lactalbumine

Un vaccin en général incite normalement l'organisme à produire des anticorps contre un agent infectieux (ou plutôt une de ses protéines). Dans le cas du cancer, il faudrait faire fabriquer par le système immunitaire des anticorps contre une protéine du cancer, mais à condition que celle-ci ne soit spécifique que de ce cancer (ce qui est très rare). Sinon, le danger est de déclencher une maladie auto-immune (contre ses propres organes). Pour contourner cette difficulté, les chercheurs ont identifié une protéine très souvent retrouvée dans les cancers du sein, mais pas dans les cellules mammaires, sauf au moment de la lactation: l'alpha-lactalbumine.


Les scientifiques américains se sont donc penchés sur un lot de petites souris à haut risque génétique de cancer du sein (la moitié d'entre elles présente une tumeur au bout de 205 jours de vie). Elles ont été divisées en deux groupes, l'une a reçu un vaccin contenant la fameuse protéine alpha-lactalbumine couplée avec un adjuvant, l'autre un vaccin placebo ne contenant que l'adjuvant. Au bout de dix mois, aucune des souris du premier groupe dûment vacciné n'a eu de cancer du sein, contrairement à celles du deuxième groupe toutes atteintes. D'autres types de rongeurs ont également reçu le vaccin qui s'est avéré efficace également. Enfin, la même préparation a été testée chez des muridés déjà malades. Et bien là encore, le vaccin a eu un effet, cette fois thérapeutique en inhibant la tumeur. Aucune réaction inflammatoire n'a été observée dans les différents essais.


Toutes ces données sont expérimentales, qui plus est sur un modèle animal, la souris, fort éloigné de l'humain. Néanmoins, après ces expériences spectaculaires, les auteurs concluent avec enthousiasme: «Ainsi la vaccination par l'alpha-lactalbumine pourrait peut-être offrir une protection sûre et efficace contre le développement du cancer du sein chez les femmes en préménopause, lorsque la fonction de lactation n'est plus nécessaire, et alors que le risque de développer un cancer du sein est élevé.»


Ce n'est pas la première fois que des candidats vaccins sont proposés contre le cancer du sein. Jusqu'à présent, leur visée était surtout thérapeutique. «Il y a plusieurs essais en cours actuellement en Suède et aux États-Unis chez des femmes atteintes de cancer du sein, avec un vaccin thérapeutique dirigé contre une protéine HER2, impliquée dans un tiers des cancers du sein, explique le professeur Thomas Turz (directeur de l'Institut Gustave-Roussy, Villejuif). Les vaccins thérapeutiques en sont à un stade plus avancé que ceux à visée préventive pour l'instant.»


Le Figaro