Une crème solaire qui répare l’ADN endommagé : rêve ou futur ?
Publié par La Pharmacienne le Août 16 2010 14:37:00
Le mécanisme d'action de la photolyase, enzyme de réparation de l’ADN, est enfin compris : quelques nanosecondes lui suffisent pour éviter un cancer de la peau. Contenue dans une crème solaire, celle-ci pourrait alors à la fois protéger et réparer les dommages causés par le soleil à l’ADN. Verra-t-on bientôt des plages sans parasol ?


Tout le monde le sait : les rayons du soleil sont nocifs pour la peau. Le soleil a des effets mutagènes sur l’ADN des cellules, qui peuvent mourir ou devenir cancéreuses, menant au développement de mélanomes par exemple. Le rôle d'écran protecteur des crèmes solaires leur permet d'être utilisées pour agir contre ces problèmes, en renvoyant les rayons du soleil. Mais en cas d’oubli de crème, ou d’exposition trop prolongée, les dégâts sont là et sont irréversibles. Les crèmes sont seulement préventives, pas réparatrices. Mais cela va peut-être changer !


Car l’enzyme qui répare l’ADN cassé par les rayons du soleil existe bel et bien, mais malheureusement l’homme en est dépourvu. La photolyase, c’est son nom, est d’ailleurs absente du génome de tous les mammifères, alors qu’on la retrouve chez beaucoup d’autres animaux, chez les bactéries et même chez les plantes. C’est ainsi que ces êtres vivants peuvent résister aux agressions des rayons ultra-violets, une aubaine surtout pour ceux qui sont immobiles et ne peuvent pas se protéger en se mettant à l’ombre.


Cette enzyme est connue depuis longtemps, mais son mode d’action n’était pas déterminé. Les scientifiques savaient pourtant qu’elle était capable de réparer l’ADN modifié par les rayons UV : deux bases pyrimidiques de l’ADN situées côte-à-côte, activées par les UV, créent des liaisons chimiques supplémentaires appelées 6-4PP. Cette modification du brin d’ADN est très souvent délétère, puisqu’elle empêche la lecture de l’ADN par des enzymes, par exemple lors de la transcription de l’ARN, ou de la réplication du brin d’ADN au cours de la multiplication cellulaire.



10 nanosecondes, et déjà prête à recommencer

La photolyase était connue pour réparer l’ADN en clivant les nouvelles liaisons chimiques pathogènes. Des physiciens essaient depuis longtemps de comprendre comment l’enzyme fonctionne d’un point de vue atomique. En utilisant la technologie de spectroscopie ultra-rapide sur de l’ADN, soumis aux UV, puis mis en présence de photolyase, les chercheurs de l'Ohio State University en savent maintenant un peu plus . Ainsi différents clichés obtenus montrent une suite de réactions chimiques complexes, très précises et très rapides, exposées dans le journal Nature.


Etant une flavoprotéine, la photolyase a besoin de la présence d’un cofacteur, la flavine. Excitée par la lumière bleue, la flavine effectue un transfert d’électron vers la liaison 6-4PP en 225 picosecondes, électron qui revient vers l’enzyme en 50 picosecondes. Le site actif, contenant un acide aminé histidine, envoie en 425 picosecondes un proton catalytique vers la liaison 6-4PP, préalablement activée par le transfert d’électron. La cassure de la liaison 6-4PP est alors effectuée en une dizaine de nanosecondes. Plus aucune trace de dommage à l'ADN !


L’enzyme récupère l’électron et le proton, et est donc prête à refaire un nouveau cycle de réparation de l’ADN, dès la réparation précédente effectuée. Si des laboratoires pharmaceutiques réussissent à conserver une photolyase active dans une lotion solaire, et qui est capable de pénétrer dans les cellules pour réparer l’ADN, les cancers de la peau risquent de disparaître…mais rien n’est moins sûr.


Futura Sciences