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Les «aliments anticancer» entre promesses et réalités |
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La consommation de noix réduit le risque de cancer du sein, le vin prolonge le pronostic de certains cancers, etc. Autant d'annonces à prendre avec prudence.
Des publications scientifiques font souvent état des bienfaits pour la santé de tel ou tel aliment, semant parfois le trouble dans l'esprit des consommateurs. Cette semaine, plusieurs communications présentées à Denver (Colorado), au congrès annuel de l'Association américaine pour la recherche sur le cancer, ont fait grand bruit.
Une étude de l'université de Yale suggère qu'une consommation modérée de vin améliore le pronostic des lymphomes non hodgkiniens, une forme de cancer du système lymphatique. Parmi 546 femmes atteintes de ces tumeurs, celles qui buvaient un peu de vin (six verres par mois) avant l'apparition de la maladie ont eu un taux de survie de 76 % à cinq ans, contre 68 % chez celles qui n'en buvaient pas. La consommation modérée de vin pendant au moins 25 ans avant le diagnostic a été associée à une baisse de 25 à 35 % du risque de rechute ou de décès. Quelques semaines après la communication de l'Institut du cancer selon laquelle un verre de vin quotidien accroît les risques de nombreux cancers, ces résultats ont de quoi déconcerter.
Une autre étude américaine présentée au même congrès conclut qu'un régime riche en noix réduirait la survenue des cancers du sein. Dans un groupe de rongeurs programmés pour développer des tumeurs mammaires, certains ont été soumis à un régime riche en noix (équivalent à 56 g/j pour un humain). Au bout de cinq mois, tous les animaux témoins avaient une tumeur, alors que leur apparition a été retardée d'au moins trois semaines dans le groupe noix. L'effet protecteur serait lié à la richesse des noix en phytostérols (anticholestérols naturels) et en acides gras oméga 3.
Deux exemples parmi d'autres. La littérature médicale récente regorge d'articles sur les vertus anticancéreuses des brocolis, les atouts multiples de la canneberge ou encore l'effet anticholestérol des noix de macadamia. Ces études sont d'ailleurs parfois largement mises en avant par les industriels du secteur.
«Il ne faut pas jouerles apprentis sorciers»
Mais l'un des axes de recherche les plus actifs sur les liens entre alimentation et santé concerne les aliments riches en acides gras oméga 3. Il s'agit d'une part des huiles végétales comme l'huile de colza ou de noix qui contiennent de l'acide alpha linolénique et, d'autre part, des produits de la mer, sources de deux autres acides gras (EPA et DHA).
Les effets cardioprotecteurs des oméga 3 sont établis. Les chercheurs étudient aussi leur rôle dans le développement cérébral du fœtus et la prévention de l'obésité infantile, grâce à des travaux chez des femmes enceintes. Quid des liens avec les cancers ? «On sait que les tumeurs du sein, du côlon et de la prostate sont associées avec un déséquilibre par excédent d'apports énergétiques, et un excès de lipides. Mais dans le détail, on cafouille encore, explique le Pr Philippe Bougnoux, cancérologue au CHU de Tours. Ainsi, pour le cancer du sein, plus de 70 études épidémiologiques ont été menées, aucune n'a pu identifier formellement un acide gras associé à un risque plus élevé ou moindre de cancer.»
Mais en étudiant, chez des femmes opérées de cancers du sein, des échantillons de tissu adipeux dont le contenu en acides gras reflète les apports alimentaires passés, le Pr Bougnoux a déterminé des profils lipidiques à risque de récidive tumorale. Celui-ci est inversement proportionnel à la richesse du tissu adipeux en acide linolénique, l'oméga 3 contenu par exemple dans les noix. Avec ce principe, l'équipe du Pr Bougnoux a mis au point un test qui quantifie la part nutritionnelle du risque de cancer du sein. «Cet examen pourrait permettre de faire de la prévention primaire de ce cancer, en repérant les femmes à risque nutritionnel élevé et en modifiant leur régime alimentaire», estime le chercheur. Reste à trouver les crédits pour le développer…
Face à ces données, comment mettre toutes les chances de son côté ? «Manger beaucoup de noix, de poissons ou d'huile de colza, pourquoi pas, il n'y a pas de danger, conclut le Pr Bougnoux. En revanche, il ne faut pas jouer les apprentis sorciers en prenant sans contrôle des gélules d'oméga 3, il y a trop de paramètres qui rentrent en jeu.»
«Beaucoup d'études sont utiles à la recherche mais n'ont pas d'applications pratiques, insiste le Pr Serge Hercberg, président du comité de pilotage du plan national nutrition santé (PNNS). Se focaliser sur un aliment à la mode, c'est prendre les choses par le petit bout de la lorgnette.» Un avis partagé par le nutritionniste Jean-Michel Borys. «Aller plus loin que les recommandations du PNNS, c'est risquer de s'embrouiller.» La règle «cinq fruits et légumes par jour» est déjà presque trop complexe pour certains patients.
lefigaro
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