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Parmi les milliers de bactéries que recèle le corps humain, certaines possèdent des propriétés insoupçonnées. Une étude menée par des chercheurs de l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) révèle que les chimiothérapies anticancéreuses peuvent gagner en efficacité avec l'aide de la flore intestinale. Les travaux, publiés dans la revue Science, expliquent qu'ils sont parvenus à combiner la cyclophosphamide, l'une des molécules les plus utilisées en chimiothérapie, avec la Gram +, une bactérie de la flore intestinale.
La cyclophosphamide a la capacité d'entraîner le passage de certaines bactéries de la flore intestinale vers la circulation sanguine et les ganglions. Une fois dans les ganglions lymphatiques, ces bactéries stimulent de nouvelles défenses immunitaires qui vont aider l'organisme à combattre la tumeur cancéreuse. Elle est particulièrement utilisée lorsqu'il s'agit de traiter par chimiothérapie un cancer du sein, ou un lymphome (un cancer des organes qui participent aux défenses immunitaires).
Un effet secondaire très utile
Les propriétés de la flore intestinale sont déjà reconnues : elle dégrade les aliments ingérés et renforce les défenses immunitaires. Au départ, ce passage de ces quelques bactéries dans le sang est un effet secondaire de la molécule, qui peut provoquer des troubles digestifs. Mais les chercheurs ont réalisé que, une fois dans la circulation, ces bactéries provoquent une réaction des lymphocytes T, des cellules immunitaires différentes de celles mobilisées par la chimiothérapie.
Pour vérifier leur hypothèse, les scientifiques ont mené des expériences sur des souris. Les résultats ont montré que chez les rongeurs débarrassés de toutes ces bactéries intestinales, l'efficacité du traitement diminuait. "De façon surprenante, la réponse immunitaire dirigée contre ces bactéries va aider le patient à lutter encore mieux contre sa tumeur en stimulant de nouvelles défenses immunitaires", relève Laurence Zitvogel, spécialiste d'immunologie et principale auteur de l'étude.
Maintenant que ces bactéries bénéfiques ont été identifiées, les chercheurs s'efforcent maintenant à savoir comment en fournir plus à l'organisme. La principale piste est celle d'une alimentation spécifique, et notamment riche en probiotiques ou prébiotiques, des micro-organismes vivants ajoutés comme compléments à certains produits alimentaires, comme les yaourts ou les céréales. A l'inverse, certains antibiotiques utilisés lors d'une chimiothérapie pourraient annuler l'effet bénéfique de ces bactéries.
Sources
'The intestinal microbiota modulates the anticancer immune effects of cyclophosphamide'
Sophie Viaud1,3, Fabiana Saccheri1, Grégoire Mignot4,5, Takahiro Yamazaki1, Romain Daillère1,3, Dalil Hannani1, David P. Enot7,8, Christina Pfirschke9, Camilla Engblom9, Mikael J. Pittet9, Andreas Schlitzer10, Florent Ginhoux10, Lionel Apetoh4,5, Elisabeth Chachaty11, Paul-Louis Woerther11, Gérard Eberl12, Marion Bérard13, Chantal Ecobichon14,15, Dominique Clermont16, Chantal Bizet16, Valérie Gaboriau-Routhiau17,18, Nadine Cerf-Bensussan17,18, Paule Opolon19,20, Nadia Yessaad21-24, Eric Vivier21-24, Bernhard Ryffel25, Charles O. Elson26, Joël Doré17,27, Guido Kroemer7,8,28-30, Patricia Lepage17,27, Ivo Gomperts Boneca14,15 François Ghiringhelli4-6† and Laurence Zitvogel1-3*†
Science novembre 2013
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